Une plus grande marge de manœuvre : Comment les femmes participent activement à la transformation du secteur de la logistique
Pour que la logistique ne reste pas un secteur réservé aux hommes, bien des choses doivent encore changer. La dirigeante Christina Thurner nous explique ce qui doit précisément changer.
Une femme cadre dirigeante dans un secteur logistique à dominante masculine ? Quelles évolutions positives sont déjà visibles dans ce domaine – et à quel niveau la société accuse-t-elle encore un certain retard ? Dans ce contexte, je vais vous faire part de ma propre expérience au sein de la société LOXXESS.
Ma voie dans le secteur de la logistique était certes toute tracée en raison de notre entreprise familiale de logistique. Mais il fallait que j’en prenne conscience. J’avais d’abord envisagé de suivre des études de psychologie ou des études artistiques mais j’ai finalement opté pour des études en gestion d’entreprise. Cela m’a permis d’acquérir de vastes connaissances en sciences économiques que j’ai pu mettre en pratique au sein de l’entreprise familiale.
Une femme dirigeante dans ce secteur historique, demeure un fait rare
Alors que j’avais tout juste 30 ans, mon père nous confia la responsabilité de l’entreprise à mon frère et à moi. En tant que jeunes dirigeants dans le secteur de la logistique, nous devions naturellement, d’abord faire nos preuves. Mais le fait que j’occupe un tel poste en tant que jeune femme était du jamais vu et ne fut pas tout de suite accepté sans réserve. Aujourd’hui, en revanche, établir une culture d'entreprise basée sur la diversité est un objectif clairement défini par LOXXESS. En ce qui concerne la proportion de femmes au sein de l’entreprise, nous sommes fiers de dire que les femmes représentent près de 50 pour cent de nos employés. Et 37 pour cent des cadres dirigeants. À une époque où les grands groupes se fixent un objectif de zéro pour le pourcentage de femmes, je trouve qu’il est important de montrer à quoi devrait ressembler l’avenir.
Mouvement et visibilité durable pour plus de parité
Ce sujet n’est pas une lubie passagère. De nombreux mouvements et organisations se sont déjà constitués et ont donné à ce sujet une visibilité durable dans les médias et auprès du public. C’est notamment le cas de la fondation AllBright qui s’engage en faveur de la promotion des femmes et de la diversité aux postes d’encadrement des entreprises. Dernièrement, les déclarations de femmes à la carrière brillante dans les secteurs les plus variés se sont multipliées sur LinkedIn, autour d’initiatives telles que le hashtag « #ichwill »(je veux). Dans ce contexte, des demandes similaires ont été exprimées.
Les hommes sont plus connectés, les femmes doivent faire face à une double responsabilité
On dit des hommes qu’ils sont plus à même de tisser des réseaux leur permettant de faire évoluer leur carrière. Les femmes devraient aussi acquérir cette faculté et se soutenir mutuellement. S’ajoute à cela le fait que les femmes carriéristes doivent souvent faire face à une double responsabilité du fait du gros manque de jardins d’enfants, de crèches, de systèmes d’aide aux devoirs et d’autres offres publiques. Comme l’a révélé la crise du coronavirus, les répartitions traditionnelles des rôles semblent finalement bien plus ancrées qu’on pourrait le croire. Ce sont souvent les femmes actives qui récupèrent les enfants à l’école et qui effectuent les tâches domestiques. Et : Les heures passées au travail pèsent toujours plus lourd dans la balance que les heures consacrées à sa famille, à l’enseignement à domicile ou aux soins prodigués à ses proches. À cela s’ajoute le fait que l’idée selon laquelle on ne mesure pas le temps de travail à sa qualité mais à sa quantité, prévaut encore. Dans certaines entreprises, il arrive encore que l’on note qui est le premier à quitter son poste de travail. Quitter le travail avant son chef, reste tabou. Hors, certaines études, telles que celle réalisée par la fondation Hans Böcklermontrent que des temps de travail plus courts sont susceptibles d’augmenter la productivité. Étant moi-même maman de deux enfants, je sais à quel point il est souvent difficile de concilier sa vie familiale et sa vie professionnelle. Sur ce point, le coronavirus a eu du bon, car les collègues portaient un regard plutôt amusé lorsqu’un enfant traversait l’écran en pleine visioconférence !
Des modèles archaïques et une guerre des sexes
J’ai bon espoir que la société remette en cause les vieux stéréotypes et les revoit. Car les femmes peuvent tout aussi bien diriger que les hommes ou tout aussi mal. Mais avant d’en arriver à cette conclusion, il est indispensable de rendre les conditions-cadres plus transparentes et d’exploiter au mieux le potentiel d’apprentissage dont nous disposons, nous les femmes. Il ne s’agit pas seulement de se faire une place dans ce monde soi-disant masculin, mais aussi de se frayer un chemin pour faciliter la vie à d’autres femmes. Et apprendre à s’estimer à sa juste valeur lors des négociations et à ne fait pas faire de concessions injustifiées, fait également partie des compétences à acquérir.
Avec ou sans quota ; le plus important est qu'un changement s’opère
L’utilité d’un quota de femmes fait à nouveau l’objet de nombreux débats. Et c’est une bonne chose ! Selon moi, il est de plus en plus important de ne pas analyser ces sujets uniquement sous l’angle des quotas et de l’égalité de traitement. En tant qu’employeur, nous veillons davantage à communiquer sur les opportunités et la diversité de la logistique en tant que domaine d’activité – c’est tout de même le cinquième secteur d’activité le plus important en France, avec 1,9 million d’emplois.
L’introspection est le premier pas vers le succès
On constate qu’il reste encore beaucoup à faire. Chez LOXXESS, nous mettons déjà tout en œuvre pour offrir un cadre de travail favorable à la vie familiale et c’est une vraie réussite. Nous mettons notamment en pratique le fruit de la recherche dans ce domaine : Les équipes mixtes sont plus efficaces et plus productives. Quels sont les progrès réalisés par la société et les entreprises dans ce domaine ? Balayer devant sa porte et analyser sa propre conduite est un premier pas important.
À propos de l’auteur :
Christina Thurner est membre de la direction de l’entreprise logistique LOXXESS AG située à Tegernsee, qu’elle dirige avec son frère Dr. Claus-Peter Amberger. Tous deux détiennent 74,8 pour cent des actions de LOXXESS depuis 2010, date à laquelle leur père, Peter Amberger, leur a remis ses parts. Christina Thumer a étudié les sciences économiques en Suisse, avec une spécialisation en logistique. Elle a intégré l’entreprise familiale en 2010. Au sein de LOXXESS AG, elle est responsable des services Lean Management/qualité, Stratégie, Innovation ainsi que des RP et du Marketing. Depuis 2016, cette quarantenaire est également impliquée, en tant que co-gérante, dans la réorganisation du service de livraison rapide, trans-o-flex. Christina Thurner est membre du conseil d’administration de la Bundesvereinigung Logistik e.V. (BVL) et conseillère dans le cadre de l’initiative « Die Wirtschaftsmacher ».