Marché du transport 22.09.2020
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Numérique, analogique ou quand-même hybride ?

À propos de l’ampleur de la numérisation sur le marché du transport routier Article du Professeur Dr. Christian Kille

Une photo du Prof. Dr. Christian Kille.

Reste-t-il encore quelque chose de nouveau à rapporter sur le thème de la « numérisation sur le marché du transport routier » ? Ou n'a-t-on pas déjà tout dit, mais néanmoins pas sur tout ? Basée sur une évolution puissante et de vaste ampleur, l’évidence de la numérisation n’est cependant pas encore entrée suffisamment dans les esprits, de sorte qu’il est impérativement nécessaire de ne pas lâcher ce sujet.

La quantité ou la qualité numérique ? Ou sommes-nous confronté à des modèles erronés ?

Contrairement à de nombreuses enquêtes et résultats d'études, je ne pense pas que la globalité de la logistique soit hostile à l'innovation ou désintéressée par les perspectives qu’offre la numérisation. Ce point de vue est peut-être très personnel, mais il a été forgé par les expériences acquises lors des échanges avec de nombreux prestataires de services du domaine de la logistique. Car, lorsqu’on fait des enquêtes dans le domaine de la logistique, il faut garder à l'esprit les faits suivants : Le marché des prestations logistiques repose sur des dizaines de milliers d'entreprises – pour être précis, 70 000 dont 12 500 dans les secteurs des coursiers, des transports express et des transports de colis. Parmi ces entreprises, 35 000 sont directement affectées au transport routier de marchandises (sans les services de coursiers, postaux et de livraisons de colis, qui occupent une position particulière en raison de leur structure). Celles-ci représentent 50 % des entreprises sur le marché des prestations logistiques, mais seulement env. 20 % du chiffre d'affaires. Cela se reflète également dans la structure de l’étude des 100 meilleures entreprises de la logistique « Top 100 der Logistik : le nombre d'entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires de plus de 50 millions d'euros se situe entre 200 et 250. D'après ces chiffres, 99,5 % sont des PME.

Cela n’est certainement pas la raison principale du fait que le niveau de numérisation soit beaucoup plus élevé dans certains secteurs où une structure similaire existe. Ces secteurs sont cependant beaucoup plus axés sur les technologies de l'information ou les médias. Tous les autres secteurs économiques traditionnels moins structurés sont confrontés à des défis similaires à ceux qu’on rencontre dans la logistique.

Pour plus de précision : la numérisation est aussi avancée dans la logistique que dans le commerce, par exemple. Il existe de nombreuses entreprises phares, en particulier les pure players de l’e-commerce, qui dérangent et révolutionnent le secteur du commerce. Les victimes sont les commerces traditionnels dans les centres-villes, qui sont majoritairement représentés par des PME. Dans ce contexte, on peut également identifier des parallèles : soit ces commerçants manquent de moyens financiers soit ils n’ont pas les compétences pratiques requises pour la mise en œuvre rigoureuse d’une numérisation judicieuse pour leurs clients.

Des différences de classe ? La question des finances

Le marché des prestations logistiques présente un tableau similaire. Pendant que les acteurs principaux de la logistique lancent des projets pilotes et des initiatives de numérisation avec un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros et plus, les moyens financiers et les compétences pratiques font une fois de plus défaut aux PME du transport routier. Lorsqu’on examine le facteur de base nécessaire en vue d'une expansion dans l'ensemble de l'entreprise, il représente un montant d'investissement fixe incompressible, qui ne dépend pas trop de la taille de l'entreprise. Rapporté au chiffre d’affaires ou au budget d'investissement total, ce facteur peut être négligeable pour les grandes entreprises mais par contre représenter un budget considérable pour les PME. Par conséquent, le niveau de numérisation des 100 premiers prestataires logistiques est très élevé par rapport à certaines autres branches. Le niveau de numérisation des 99,5 % restants est en conséquent très faible pour les raisons mentionnées ci-dessus.

Quantité et qualité : pour davantage de bonnes pratiques de la part des PME

Fort de ces raisons, il n’est pas judicieux de se lamenter ou de rapporter de manière méprisante sur la logistique en affirmant que ce secteur économique est peu innovant et très à la traîne en matière de numérisation, notamment en raison du nombre élevé d'entreprises de transport routier. Mais par contre, il serait beaucoup plus judicieux de souligner les exemples dans lesquels des PME ont mis en œuvre avec succès des projets de numérisation ou qui profitent de tels projets. Ces exemples encouragent d'autres entreprises ayant des conditions cadres similaires à s’orienter à ces bonnes pratiques et à franchir le pas incontournable vers une plus grande numérisation.

Avancer ensemble sans différenciation de classes

Cette devise serait un bon appel de clôture, mais laissez-moi ajouter une chose : la seule différence, mais une différence de taille, par rapport à d'autres secteurs économiques comme le commerce, est que la plupart de ces PME sont intégrées dans des réseaux. De nombreux partenaires fournissent des outils destinés à l’intégration numérique des entreprises de transport en particulier. Le fait que tout ne se passe pas toujours comme prévu dans ce contexte pour diverses raisons, telles que l'ignorance, les malentendus ou l'indifférence, est une autre paire de manches. Mais ce qu’on constate dans ce domaine : c’est que le client, qu'il s'agisse d'une entreprise de transport ou d’une entreprise-chargeur, apporte des possibilités de participer à la numérisation, contrairement au commerce. Cela s’effectue via la connexion à des plateformes, par des applications pour téléphones mobiles ou par l'intégration de la télématique et de l'informatique des clients. Le potentiel d'une numérisation plus large de la logistique et en particulier du transport routier est bien ancré. Il suffit de s'y attaquer ensemble.

À propos de l’auteur invité :

Prof. Dr. Christian Kille est professeur de logistique commerciale et de gestion des opérations à l'université de Würzburg-Schweinfurt et chargé de cours à l'université technique de Munich. Lorsque cet expert de la logistique ne s’occupe pas de la culture de la prochaine génération des élites de l’économie, il consacre sont temps à la recherche sur les tendances en matière de logistique. En tant qu'expert du secteur, il soutient les associations et les ministères avec des prévisions sur le développement de la logistique en Allemagne. Retrouvez-le sur LinkedIn ou Xing.

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